Raoul Vaneigem

“Ma solitude diffère de l’esseulement, elle est peuplée par un sentiment de solidarité. Les partisans de la volonté de vivre n’ont pas besoin de se connaître pour se reconnaître. Le combat d’un seul pour la vie est le combat de tous. Nous n’en sommes pas encore à faire primer le désir, la création, l’inventivité, la poésie sur la routine, l’ennui du travail, l’indignation larmoyante. Pourtant, si patiemment inculquée qu’elle soit, l’habitude de se courber n’a jamais empêché l’homme de se redresser. Sur les murs de la grisaille existentielle qu’élèvent autour de nous les larbins politiques de l’affairisme refleuriront quelque jour ces mots de Loustalot qui, datant de la révolution française, n’ont rien perdu de leur insolente nouveauté : “Les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux. Levons-nous !”