Mahmoud Darwich

Tout poète a ses habitudes. Je fais partie de ceux-là qui composent à deux reprises leur poème. La première fois, je me laisse entraîner par mon inspiration inconsciente, la seconde je donne la priorité à ma perception des impératifs de la construction. Et il n'est pas rare que la deuxième mouture ne reflète en rien la première.


L'une des épreuves auxquelles je soumets mes poèmes consiste à les écrire puis à les oublier pour une longue période. Et lorsque je reviens leur rendre visite, mon critère de jugement poétique est celui de leur ressemblance avec moi. Si je reconnais le poème, si je me rends compte qu'il m'imite ou que je m'imite, je l'abandonne. Mais si j'ai le sentiment que la pièce est l'oeuvre d'un autre poète, qui dépasse le poète que j'étais, je décrète alors qu'il s'agit d'un nouveau poème.